LEXPOSIA

Blog3 questions à Frédéric COPPINGER, avocat associé, Coblence avocats 
Frédéric COPPINGER

3 questions à Frédéric COPPINGER, avocat associé, Coblence avocats 

Quels sont les principaux cadres réglementaires et normatifs qui encadrent le réemploi des matériaux de construction en cas de démolition et de reconstruction, et comment ces réglementations varient-elles en fonction des juridictions locales ?

Le cadre législatif et réglementaire portant sur le remploi des matériaux de construction/déconstruction est principalement constitué des normes suivantes :

En 2015 : Loi sur la transition énergétique et la croissance verte.
En 2018 : Loi ESSOC ordonnance I.
En 2020 : Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.
En janvier 2020, l’ordonnance ESSOC II entrée en vigueur le 1er juillet 2021.

Ces réglementations s’appliquent depuis le 1er janvier 2022 sur le plan national aux opérations de démolition ou de rénovation significatives de bâtiments:

Dont la surface cumulée de plancher est supérieure à 1.000 m²,
En fonction de leur activité et du stockage/fabrication/distribution d’une substance dangereuse.


Quelles sont les responsabilités légales et les obligations des parties prenantes, telles que les maîtres d’ouvrage, les entrepreneurs et les architectes, en ce qui concerne la documentation, la certification et la traçabilité des matériaux réemployés dans les projets de construction, et comment ces mesures visent-elles à garantir la conformité aux normes de qualité et de sécurité ? 

Afin de garantir la conformité aux normes de qualité et de sécurité, le projet de réemploi suppose l’intervention de plusieurs acteurs :

                                          i.    Le maître d’ouvrage contribue au projet en : 

S’entourant d’une maîtrise d’œuvre engagée dans ce type de démarche ;
Définissant des objectifs de réemploi, avec l’appui de la maîtrise d’œuvre et de l’expert réemploi, et en les intégrant dans les cahiers des charges de consultation des entreprises ;
Menant une analyse en coût global du projet à chacune de ses étapes, afin de prendre en compte les différents bénéfices induits par le réemploi. 

                                         ii.    La maîtrise d’œuvre, notamment l’architecte, contribue au projet en :

 
Concevant le projet avec une approche d’économie circulaire ;
Conseillant la maîtrise d’ouvrage pour un allotissement approprié aux démarches de réemploi.

                                        iii.    L’expert réemploi contribue au projet en : 

 
Réalisant le diagnostic « Produits Matériaux Déchets » et/ou ressources dans le cas d’une opération de déconstruction. Il quantifie et qualifie ainsi les matières présentes sur le chantier afin de proposer des pistes de réemploi ou de valorisation ;
Accompagnant la maîtrise d’ouvrage dans la rédaction des cahiers des charges de consultation des entreprises ;
Menant les études de faisabilité nécessaires ;
Préconisant les techniques de chantier adaptées (méthodes de dépose, traitement et pose) ;
Faisant le lien entre les différents acteurs, en particulier avec les assurances et bureaux de contrôle. 


Ce rôle d’expert réemploi peut être joué par un assistant à la maîtrise d’ouvrage ou un bureau d’études spécialisé ou dans le cas où le projet ne nécessiterait pas d’études techniques poussées, par la maîtrise d’ouvrage elle-même.

                                        iv.    Les entreprises de travaux sont garantes de l’opérationnalité de la proposition de la maîtrise d’œuvre. Elles contribuent au projet en : 

Adaptant leur approvisionnement en matériaux (provenance et quantité) ;
Organisant le chantier de sorte à faciliter la livraison et l’évacuation des matériaux et maintenir ces derniers en bon état ;
Réalisant les travaux avec des méthodes de dépose et/ou mise en œuvre des matériaux rendant possible leur réemploi.

Certaines entreprises peuvent également être compétentes en matière de préparation et traitement des matériaux en vue de leur réemploi.

En cas de litige lié à la qualité ou à la performance des matériaux réemployés dans un projet de construction, comment les tribunaux évaluent-ils la responsabilité des parties impliquées et quels critères juridiques sont utilisés pour déterminer la conformité des matériaux réemployés aux exigences contractuelles et réglementaires ? 

A l’occasion d’un litige à raison d’une méthode de réemploi des matériaux, la responsabilité des parties impliquées sera répartie entre elles selon l’imputation des manquements à leurs obligations selon le rôle qui leur est attaché au sein du chantier. Le maître d’ouvrage doit ainsi trouver des solutions d’effet équivalent, tandis que le maître d’œuvre verra sa responsabilité accrue sur le fondement de son devoir de conseil.

La jurisprudence est peu abondante sur le sujet de la conformité des matériaux remployés. Nous pouvons toutefois nous attacher à la définition légale du réemploi des matériaux, conformément à l’article L.541-1-1 du Code de l’environnement :  « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets (i) sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus (ii) ». 

Ainsi, le réemploi ne peut concerner des matériaux devenus des déchets, soit « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire », lesquels entrainent un régime de responsabilité spécifique.

De plus, le matériau remployé doit pouvoir être utilisé à nouveau pour un usage identique à celui pour lequel il avait été conçu, sans passer par un processus de réutilisation ou de recyclage.  

LEXPOSIA, c’est l’amour du droit et un respect profond pour toutes les professions juridiques. Les liens que nous tissons depuis plus de 20 ans avec la profession nous permettent de toujours mieux comprendre vos demandes, vos attentes et souvent même de les anticiper.